Le management package : un subtil équilibre entre la carotte et le bâton pour les managers

Le management package, encore un anglicisme dans le milieu des levées de fonds. L’influence anglo-saxonne dans ce type d’opérations a déjà pu être soulignée au travers des concepts de ratchet, tag along, drag along, valorisation premoney que nous avions abordés au détour d’autres colonnes (cf. « La lettre d’intention pour les nuls » et « Dictionnaire des business angels : P comme Pacte d’actionnaires »). Le management package doit avoir une résonnance particulière pour les fondateurs d’une startup : récompense suprême leur permettant en cas de réussite du projet de capter une part plus importante de la plus-value à la sortie mais aussi épée de Damoclès dont la menace doit permettre d’assurer un parcours sans faute de ces derniers et dont le tranchant vient sanctionner tout faux pas.

On le sait, l’entrée d’investisseurs financiers au capital d’une société peut donner lieu à des négociations soutenues sur des thématiques structurantes de leur investissement, qu’il s’agisse notamment de la valorisation premoney (et son mécanisme d’ajustement : le ratchet), de la liquidation préférentielle (ou la répartition inégalitaire du prix de cession de la société en fonction d’une clé de répartition qui assure aux investisseurs financiers de se faire rembourser en priorité le montant de leur investissement), de l’octroi, le cas échéant, d’une garantie de passif à leur bénéfice, de la gouvernance (ou le droit de veto des investisseurs financiers sur certaines décisions importantes) et de leur liquidité. Le talent des acteurs de la levée de fonds et de leurs conseils sera alors de parvenir à faire converger leurs intérêts sur ces grands sujets.

Les investisseurs financiers ont généralement conscience que ces thématiques ne doivent pas occulter le facteur premier de réussite du projet : les femmes et hommes clés qui portent le projet (les « managers ») et dont l’implication et la motivation doivent être préservées et stimulées. De quelle façon et comment s’assurer que l’opération sera « gagnante – gagnante » pour tous ? Deux mots : management package ou exprimer plus simplement l’ensemble des modalités d’intéressement et de maintien en fonction des managers. Ce concept comporte au moins deux facettes. Une première doit naturellement amener les parties à aborder au stade de la lettre d’intention la question des salaires, bonus et avantages en nature qui pourraient être accordés aux managers même si les investisseurs financiers ne voient pas toujours d’un bon œil la rémunération des managers d’une startup encore fragile. Sans parler du fait que leur investissement ne doit pas avoir pour seule vocation d’assurer la rémunération des managers. Par ailleurs, il s’agit d’une approche plutôt à court terme alors que le partenariat s’inscrit généralement dans une fourchette de 4 à 7 ans en moyenne. Comment alors intéresser les managers sur la distance ? C’est la seconde facette du concept qui nous amène à aborder une thématique qui doit être un réflexe chez tous les managers de startups : les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise ou BSPCE (cf. notamment l’article 163 bis G du code général des impôts et l’instruction fiscale 5 F-15-10 du 4 octobre 2010). Dans quel objectif ? Permettre aux managers de capter une plus-value plus importante à l’occasion de la vente de leur société. 

La mécanique est très simple et efficace. L’assemblée générale extraordinaire de la société décide de l’émission gratuite de BSPCE au profit de salariés et/ou de dirigeants soumis au régime fiscal des salariés. Chaque BSPCE donne le droit de souscrire à une action de la société au prix en vigueur au jour de son attribution. Ainsi, si l’assemblée générale attribue 50 BSPCE au Président d’une SAS et qu’au jour de cette attribution, le prix d’une action de la société est de 5 euros, alors chaque BSPCE donnera le droit de souscrire à tout moment (par le biais d’une augmentation de capital) à une action de la société pour un prix unitaire de 5 euros. Si le Président décide d’exercer ses BSPCE en 2018, juste avant la vente de sa société, alors que le prix d’une action de sa société est de 50 euros, il n’aura à décaisser que 250 euros (5 x 50) au lieu de 2.500 euros (50 x 50). La même philosophie est applicable aux stock-options, avec toutefois un régime fiscal et social plus avantageux pour les BSPCE. Vous devinez alors rapidement l’intérêt des BSPCE pour intéresser les managers. C’est également un argument séduisant dans le cadre d’un recrutement. Une startup n’a pas toujours la possibilité d’offrir des rémunérations élevées à tous ses talents. L’octroi de BSPCE – le salarié n’a rien à décaisser pour recevoir ses BSPCE – en complément du salaire de base peut être un véritable argument de vente et un indicateur d’adhésion au projet entrepreneurial.

Bien entendu les investisseurs entendent rarement accorder inconditionnellement ce surplus de plus-value. Afin de pérenniser la motivation des managers, le bénéfice des BSPCE est généralement subordonné à la réalisation de certaines conditions et peut être accordé aux managers de manière progressive. Pour ce faire, il est fréquent que l’attribution de BSPCE s’organise autour de deux axes :

1 – la réalisation de conditions, qu’il s’agisse (i) de conditions de présence (être toujours salarié ou mandataire social de la société au jour de l’exercice) et/ou (ii) de conditions de performance économique et/ou opérationnelle (généralement adossées sur le BP, par exemple atteinte du CA, de l’EBE, du REX ou bien des objectifs de vente ou de mission, par exemple, pour des salariés), 

2 – un échelonnement dans l’exercice : les BSPCE ne seront définitivement acquis et ne pourront  alors être exercés que par tranche selon un calendrier imposé (par exemple, 1/5 pendant cinq ans). C’est la pratique plus communément connue sous l’appellation de « vesting ». Attention, certains investisseurs peuvent parfois privilégier un exercice in fine, au moment de la sortie, pour autant qu’un certain niveau de rentabilité ou de valorisation soit atteint.

La condition de présence revêt une importance particulière. Non seulement les investisseurs financiers demandent généralement que les managers qui ne seraient plus dans la société perdent le droit d’exercer leur BSPCE mais ils demandent également parfois à bénéficier de promesses de vente leur permettant de racheter tout ou partie des actions détenues par les managers en cas de départ de ces derniers. Ces promesses de vente s’appliquent en principe aussi en cas de non-respect par les managers de leurs obligations contractuelles (issues du pacte d’actionnaires et des éventuels contrats annexes) ou de comportement fautif ou préjudiciable à la société. Ce sont les fameux cas de good-bad leavers (les bons et les mauvais cas de départ). Bien qu’il n’existe pas de liste type de cas de départ, il n’est pas inhabituel de rencontrer les cas de leavers suivants :

1 – les violations de certaines dispositions du pacte d’actionnaires (telles que la clause de non-concurrence, la clause d’exclusivité, la clause de non-sollicitation) et/ou de contrats importants conclus dans le cadre de l’investissement (bad leaver) ; 

2 – la démission (hormis le cas visé ci-dessous), le licenciement ou la révocation sur le fondement d’une faute lourde ou d’une faute grave (appréciée au regard de la définition qui en est donnée par la chambre sociale de la Cour de cassation) (bad leaver) ;

3 – le décès, la démission justifiée par la maladie ou une incapacité grave empêchant le manager concerné d’exercer l’une de ses fonctions au sein de la société (good leaver).

La qualification de good leaver ou bad leaver impacte principalement deux éléments : le prix de rachat des titres des managers et le volume de titres rachetés. La philosophie du bad leaver s’exprime simplement : il s’agit de dissuader les managers de commettre un acte pénalisant la société et le projet entrepreneurial (par exemple la violation de leur clause de non-concurrence ou la réalisation d’un acte constitutif d’un abus de bien social). C’est la raison pour laquelle le bad leaver peut se traduire par le rachat de 100% des titres du manager concerné à leur valeur nominale ou à la valeur de marché fortement décotée. En cas de good leaver, le manager concerné subissant, vous l’aurez compris, le décès, la maladie ou l’incapacité, le rachat peut ne porter alors que sur une partie de ses actions et pour un prix moins pénalisant. Tout est encore une fois question de négociation.

En conclusion, le management package, concept à double tranchant, doit être abordé et négocié avec la plus grande attention par les managers au stade de la lettre d’intention. C’est sans aucun doute un élément essentiel à la réussite de leur levée de fonds.

 

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